S’il est une science dont les progrès aient été rapides pendant ces dernières années, c’est la paléontologie.
Depuis que l’attention du monde scientifique s’est portée sérieusement sur ces questions, elle ne s’en est plus détachée; l’étude de la faune antédiluvienne et de l’homme antéhistorique a été poussée avec une extrême vigueur; les recherches, les fouilles, les travaux incessants de la science officielle ont donné un élan que les volontaires de la science se sont empressés de suivre; ils l’ont suivi avec tant de succès que, par exception à ce qui se passe d’habitude, les savants «amateurs» ont fait autant pour la science que les corps savants constitués.
Les découvertes les plus précieuses, les plus rares trouvailles depuis quelques années, ont été dues le plus souvent à ces modestes champions de la science, collectionneurs isolés ou sociétés libre, spontanément formées.
Aujourd’hui, c’est une société de ce genre la Société scientifique d’Alais (Gard)–qui vient d’obtenir, après deux ans de recherches, un double succès en fouillant, sur le territoire de la même commune, à trois kilomètres de distance l’un de l’autre, un ossuaire humain de l’âge de pierre (fin de l’âge de pie re et commencement de l’âge de bronze) et un dépôt de fossiles.
Dans quelques jours nous donnerons le résumé des découvertes de la première fouille; ce que nous soumettons
aujourd’hui à nos lecteurs, c’est le résultat de la seconde, résultat exceptionnel et qui, sauf les découvertes faites dans les glaces de la Sibérie, n’a été nulle part obtenu si complet; c’est le squelette entier, intact, d’un éléphant antédiluvien, tel que n’en possède aucun musée, sauf celui de Saint-Pétersbourg.
Je laisse la parole à M. Cazalis de Fondouce, l’un des membres de la Société qui va nous dire comment il a été conduit à cette découverte:
«Au mois de novembre 1869, je me rendais à Durfort (Gard) pour continuer les fouilles entreprises dans la «Grotte des morts»–(l’ossuaire dont j’ai déjà parlé plus haut)–lorsque, à un kilomètre environ du village, j’aperçus au-dessus d’un tas de pierres, sur le bord de la route, quelque chose qui me parut être une dent d’éléphant. Je ramassai l’objet et constatai que c’était bien, en effet, une molaire d’éléphant fossile. J’appris du cantonnier que ces pierres avaient été extraites sur place. Examinant le terrain, je reconnus qu’il y avait là un dépôt de transport local qui avait dû combler autrefois toute la vallée, mais dont il ne restait plus aujourd’hui qu’un lambeau de trois ou quatre cents mètres carrés de surface.
«Je fis faire immédiatement des fouilles, etc.»
Je résume maintenant les observations auxquelles ont donné lieu ces fouilles:
«Il y avait là un petit bassin marécageux, où croissaient les espèces végétales des fonds humides. Ce bassin, séparé du cours du ruisseau, n’était envahi par les eaux qu’au moment des crues et par remous. Ces eaux mortes n’y déposaient que du limon; peu ou point de graviers. Les couches successives du limon, déposées sur le talus assez escarpé qui borde la route, sont encore reconnaissables.»
«Les eaux, n’arrivant que mortes et par remous, n’ont pu charrier là que des cadavres flottés; et les ossements qui s’y rencontrent proviennent ou d’animaux échoués dans le remous ou morts sur place.»
C’est ce qui explique comment les squelettes trouvés là sont entiers.
Le premier qu’on ait découvert et extrait intégralement, c’est le squelette d’un éléphant—Elephas meridionalis.
C’est le plus colossal des éléphants de cette espèce dont on ait retrouvé les restes.